Descartes a poussé les jeunes gens à négliger la lecture des autres philosophes, en professant qu’avec la force de la lumière naturelle, n’importe qui peut en savoir autant qu’ont su les autres. Et les jeunes gens, dans leur simplicité tombent volontiers dans le piège, car faire de nombreuses lectures est une occupation longue et fastidieuse, alors qu’apprendre beaucoup en peu de temps est un grand plaisir pour l’esprit. Mais Descartes, en réalité, bien qu’il le dissimule avec beaucoup d’art dans ce qu’il dit, fut un homme extrêmement versé dans toutes les sortes de philosophie, un mathématicien célèbre entre tous, qui menait une vie parfaitement retirée et cachée, et qui possédait, ce qui est le plus important, un esprit ayant peu d’équivalent dans tous les autres siècles. Avec de tels atouts, n’importe qui peut suivre son propre jugement ; mais s’il en va autrement, on a tort de le faire. Qu’on lise autant que Descartes a lu Platon, Aristote, Epicure, saint Augustin, Bacon de Verulam, Galilée ; qu’on médite autant que Descartes l’a fait dans ses longues périodes de retraite, et le monde aura des philosophes de valeur égale à Descartes. Mais si l’on se contente de lire Descartes et de se servir de la force de sa lumière naturelle, on restera toujours inférieur à lui.
Giambattista Vico (1668-1744), Réponse au second article du Giornale de Letterati d’Italia, 1712
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