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Les affections clouent l'âme au corps et altèrent le jugement

Lorsqu'on a ressenti la violence d'un plaisir ou d'une peine, d’une peur ou d'un appétit, le mal qu'on subit en conséquence n'est pas tellement celui auquel on pourrait penser – la maladie ou la ruine qu'entraînent certains appétits, par exemple ; non, le plus grand de tous les maux, le mal suprême, on le subit, mais sans le prendre en compte. En quoi consiste-t-il, Socrate, dit Cébès ? En une inférence inévitable, qui s’impose à toute âme d'homme au moment où elle éprouve un plaisir ou une peine intenses : elle est conduite à tenir ce qui cause l'affection la plus intense pour ce qui possède le plus d'évidence et de réalité véritable, alors qu'il n'en est rien. Or ces objets-là sont, par excellence, ceux qui se donnent à voir, tu ne penses pas ? C’est certain. Or n’est-ce pas quand elle est ainsi affectée qu’une âme est le plus étroitement enchaînée par son corps ? Que veux-tu dire ? Ceci. Chaque plaisir, chaque peine, c’est comme s’ils possédaient un clou avec lequel ils clouent l’âme au corps, la fixent en lui, et lui donnent une forme qui est celle du corps, puisqu’elle tient pour vrai tout ce que le corps lui déclare être telle.

Platon, Phédon, 83 c-d.

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