Ceux qui prennent plaisir à déclamer contre la nature humaine ont observé que l’homme est totalement incapable de se supporter et que, si vous relâchez les prises qu’il a sur les objets extérieurs, il tombe immédiatement dans la mélancolie et le désespoir le plus profonds. De là, disent-ils, vient cette continuelle recherche du divertissement dans le jeu, la chasse ou les affaires, divertissement par lequel nous tâchons de nous oublier nous-mêmes et d’exciter notre esprit pour le sortir de l’état de langueur où il tombe quand il n’est plus soutenu par une émotion vive et animée. Je suis d’accord avec cette façon de penser, à tel point que je reconnais que l’esprit est incapable de se divertir par lui-même et qu’il recherche naturellement des objets étrangers qui puissent produire une sensation vive et agiter les esprits animaux. Quand apparaît un tel objet, il s’éveille, pour ainsi dire, d’un rêve ; le flux sanguin se renouvelle, le cœur prend un autre rythme et l’homme entier acquiert une vigueur dont il ne peut disposer dans ses moments de solitude et de calme. De là vient que la compagnie est naturellement si réjouissante en tant qu’elle présente le plus vivant de tous les objets, à savoir un être rationnel et pensant, semblable à nous, qui nous communique toutes les actions de son esprit, qui nous instruit de ses affections et ses sentiments les plus profonds et qui nous fait voir, au moment où elles se produisent, toutes les émotions qui sont causées par un objet. Toute idée vive est agréable, surtout celle d’une passion parce qu’une telle idée devient une sorte de passion qui donne à l’esprit une agitation plus sensible que toute autre image ou conception.
Hume, Traité de la nature humaine, liv. II « Des passions », part. II « De l’amour et de la haine », Sect. IV, « de l’amour des parents », trad. Folliot
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