Un imbécile, dont les sens et les organes corporels nous paraissent sains et bien disposés, a, comme nous, des sensations de toutes espèces, il les aura aussi dans le même ordre s’il vit en société et qu’on l’oblige à faire ce que font les autres hommes ; cependant, comme ces sensations ne lui font point naître d’idées, qu’il n’y a point de correspondance entre son âme et son corps, et qu’il ne peut réfléchir sur rien, il est en conséquence privé de la mémoire et de la connaissance de soi-même. Cet homme ne diffère en rien de l’animal, quant aux facultés extérieures, car quoiqu’il ait une âme, et que par conséquent il possède en lui le principe de la raison, comme ce principe demeure dans l’inaction et qu’il ne reçoit rien des organes corporels avec lesquels il n’a aucune correspondance, il ne peut influer sur les actions de cet homme, qui dès-lors ne peut agir que comme un animal uniquement déterminé par ses sensations et par le sentiment de son existence actuelle et de ses besoins présents. Ainsi l’homme imbécile et l’animal sont des êtres dont les résultats et les opérations sont les mêmes à tous égards, parce que l’un n’a point d’âme, et que l’autre ne s’en sert point ; tous deux manquent de la puissance de réfléchir, et n’ont par conséquent ni entendement, ni esprit, ni mémoire, mais tous deux ont des sensations, du sentiment et du mouvement.
Buffon, Histoire naturelle.
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