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On ne peut expliquer le comportement des animaux sans leur supposer un instinct

La philosophie moderne, qui n’admet que ce qu’elle explique, n’a garde d’admettre cette obscure faculté appelée instinct, qui paraît guider, sans aucune connaissance acquise, les animaux vers quelque fin. L’instinct, selon l’un de nos plus sages philosophes [Condillac], n’est qu’une habitude privée de réflexion, mais acquise en réfléchissant ; et de la manière dont il explique ce progrès, on doit conclure que les enfants réfléchissent plus que les hommes ; paradoxe assez étrange pour valoir la peine d’être examiné. Sans entrer ici dans cette discussion, je demande quel nom je dois donner à l’ardeur avec laquelle mon chien fait la guerre aux taupes qu’il ne mange point, à la patience avec laquelle il les guette quelquefois des heures entières, et à l’habileté avec laquelle il les saisit, les jette hors terre au moment qu’elles poussent, et les tue ensuite, pour les laisser là, sans que jamais personne l’ait dressé à cette chasse, et lui ait appris qu’il y avait là des taupes. Je demande encore, et ceci est plus important, pourquoi, la première fois que j’ai menacé ce même chien, il s’est jeté le dos contre terre, les pattes repliées, dans une attitude suppliante et la plus propre à me toucher ; posture dans laquelle il se fût bien gardé de rester, si, sans me laisser fléchir, je l’eusse battu dans cet état. Quoi ! mon chien, tout petit encore, et ne faisant presque que de naître, avait-il acquis déjà des idées morales  ? savait-il ce que c’était que clémence et générosité  ? sur quelles lumières acquises espérait-il m’apaiser en s’abandonnant ainsi à ma discrétion  ? Tous les chiens du monde font à peu près la même chose dans le même cas, et je ne dis rien ici que chacun ne puisse vérifier. Que les philosophes, qui rejettent si dédaigneusement l’instinct, veuillent bien expliquer ce fait par le seul jeu des sensations et des connaissances qu’elles nous font acquérir ; qu’ils l’expliquent d’une manière satisfaisante pour tout homme sensé ; alors je n’aurai plus rien à dire, et je ne parlerai plus d’instinct.

Rousseau, Émile.

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