Ce qui a un prix peut être aussi bien remplacé par quelque chose d’autre, à titre d’équivalent ; au contraire, ce qui est supérieur à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité.
Ce qui se rapporte aux inclinations et aux besoins généraux de l’homme, cela a un prix marchand ; ce qui, même sans supposer de besoin, correspond à un certain goût, c’est-à-dire à la satisfaction que nous procure un simple jeu sans but de nos facultés mentales, cela a un prix de sentiment ; mais ce qui constitue la condition, qui seule peut faire que quelque chose est une fin en soi, cela n’a pas seulement une valeur relative, c’est-à-dire un prix, mais une valeur intrinsèque, c’est-à-dire une dignité.
Or, la moralité est la condition sous laquelle seulement un être raisonnable peut être une fin en soi, étant donné que c’est seulement par elle qu’il est possible d’être un membre législateur dans le règne des fins. La moralité et l’humanité en tant qu’elle est capable de moralité, c’est donc ce qui seul possède de la dignité. L’habileté et le courage dans le travail ont un prix marchand ; l’ingéniosité d’esprit, la vivacité de l’imagination et l’humour ont un prix affectif ; en revanche, la fidélité dans la promesse, la bienveillance accordée pour des raisons de principe (et non par instinct) ont une valeur intrinsèque. La nature, pas plus que l’art, ne contiennent rien qui pourraient remplacer ces dispositions si elles venaient à manquer ; car leur valeur consiste, non pas dans les effets qui en résultent, ni dans l’avantage et le profit qu’elles procurent, mais dans les intentions, c’est-à-dire dans les maximes de la volonté qui sont prêtes à se manifester sur ce mode dans des actions, quand bien même l’issue de telles actions ne leur serait point favorable.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 2e section, Ak. IV, 436.
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