Ce qu’est le Vrai, ce qu’est le Faux tant pour le Vulgaire que pour les Philosophes. — Pour nous faire une idée juste de ces deux choses le Vrai et le Faux, nous commencerons par la signification des mots, par où apparaîtra que ce ne sont que des dénominations extrinsèques des choses et qu’on ne peut les leur attribuer qu’en vue d’un effet oratoire. Mais, comme le vulgaire a d’abord trouvé les mots, qui sont ensuite employés par les Philosophes, il appartient à celui qui cherche la signification première d’un mot de se demander ce qu’il a d’abord signifié pour le vulgaire ; surtout en l’absence d’autres causes qui pourraient être tirées de la nature du langage pour faire cette recherche. La première signification donc de Vrai et de Faux semble avoir tiré son origine des récits ; et l’on a dit vrai un récit quand le fait raconté était réellement arrivé ; faux, quand le fait raconté n’était arrivé nulle part. Plus tard les Philosophes ont employé le mot pour désigner l’accord ou le non-accord d’une idée avec son objet ; ainsi, l’on appelle Idée Vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; Fausse celle qui montre une chose autrement qu’elle n’est en réalité. Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans, l’esprit. Et de là on en, est venu à désigner de même par métaphore des choses inertes ; ainsi quand nous disons, de l’or vrai ou de l’or faux, comme si l’or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui-même, ce qui, est ou n’est pas en lui.
Spinoza, Pensées métaphysiques, I, VI (trad. Appuhn)
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