Toutes les erreurs en politique, en morale, ont pour base des erreurs philosophiques, qui elles-mêmes sont liées à des erreurs physiques. Il n’existe, ni un système religieux, ni une extravagance surnaturelle, qui ne soit fondée sur l’ignorance des lois de la nature. Les inventeurs, les défenseurs de ces absurdités, ne pouvaient prévoir le perfectionnement successif de l’esprit humain. Persuadés que les hommes savaient de leur temps tout ce qu’ils pouvaient jamais savoir, et croiraient toujours ce qu’ils croyaient alors, ils appuyaient avec confiance leurs rêveries sur les opinions générales de leur pays et de leur siècle.
Les progrès des connaissances physiques sont même d’autant plus funestes à ces erreurs, que souvent ils les détruisent sans paraître les attaquer, et en répandant sur ceux qui s’obstinent à les défendre le ridicule avilissant de l’ignorance.
En même temps l’habitude de raisonner juste sur les objets de ces sciences, les idées précises que donnent leurs méthodes, les moyens de reconnaître ou de prouver une vérité, doivent conduire naturellement à comparer le sentiment qui nous force d’adhérer à des opinions fondées sur ces motifs réels de crédibilité, et celui qui nous attache à nos préjugés d’habitude, ou qui nous force de céder à l’autorité : et cette comparaison suffit pour apprendre à se défier de ces dernières opinions, pour faire sentir qu’on ne les croit réellement pas, lors même qu’on se vante de les croire, qu’on les professe avec la plus pure sincérité. Or ce secret une fois découvert rend leur destruction prompte et certaine.
Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’humanité, Neuvième époque.
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