Mon problème n’a pas cessé d’être toujours la vérité, le dire-vrai.
« Structuralisme et post-structuralisme », in Dits et Écrits, « Quarto », Gallimard, tome II, p. 1264.
Ce que j’essaie de faire, c’est l’histoire des rapports que la pensée entretient avec la vérité ; l’histoire de la pensée en tant qu’elle est pensée de la vérité. Tous ceux qui disent que, pour moi, la vérité n’existe pas sont des esprits simplistes.
« Le souci de la vérité », ibid., p. 1488.
L’important, je crois, c’est que la vérité n’est pas hors pouvoir ni sans pouvoir (elle n’est pas, malgré un mythe dont il faudrait reprendre l’histoire et les fonctions, la récompense des esprits libres, l’enfant des longues solitudes, le privilège de ceux qui ont su s’affranchir). La vérité est de ce monde, elle y est produite grâce à de multiples contraintes. Et elle détient des effets réglés de pouvoir. Chaque société son régime de vérité, sa politique générale de la vérité : c’est-à-dire les types de discours qu’elle accueille et fait fonctionner comme vrais ; les mécanismes et les instances qui permettent de distinguer les énoncés vrais ou faux, la manière dont on sanctionne les uns et les autres ; les techniques et les procédures qui sont valorisées pour l’obtention de la vérité ; le statut de ceux qui ont la charge de dire ce qui fonctionne comme vrai.
[...]
Pour que ce soit un peu moins confus [ ...], je voudrais avancer quelques propositions [...] :
- par vérité, entendre un ensemble de procédures réglées pour la production, la loi, la répartition, la mise en circulation, et le fonctionnement des énoncés ;
- la vérité est liée circulairement à des systèmes de pouvoir qui la produisent et la soutiennent, et à des effets de pouvoir qu’elle induit et qui la reconduisent. Régime de la vérité ;
- ce régime n’est pas simplement idéologique ou superstructurel ; il a été une condition de formation et de développement du capitalisme. Et c’est lui qui, sous réserve de quelques modifications, fonctionne dans la plupart des pays socialistes (je laisse ouverte la question de la Chine que je ne connais pas) ;
- le problème politique essentiel pour l’intellectuel, ce n’est pas de critiquer les contenus idéologiques qui seraient liés à la science, ou de faire en sorte que sa pratique scientifique soit accompagnée d’une idéologie juste. Mais de savoir s’il est possible de constituer une nouvelle politique de la vérité. Le problème n’est pas de changer la « conscience » des gens ou ce qu’ils ont dans la tête ; mais le régime politique, économique, institutionnel de production de la vérité ;
- il ne s’agit pas d’affranchir la vérité de tout système de pouvoir – ce qui serait une chimère puisque la vérité est elle-même pouvoir –, mais de détacher le pouvoir de la vérité des formes d’hégémonie (sociales, économiques, culturelles) à l’intérieur desquelles pour l’instant elle fonctionne.
La question politique, en somme, ce n’est pas l’erreur, l’illusion, la conscience aliénée ou l’idéologie ; c’est la vérité elle-même. De là l’importance de Nietzsche.
« Entretien avec Michel Foucault », in Dits et Écrits, II, p. 158-160.
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