Après la victoire de la Révolution française à la fin du 18ème s. de même qu’après la victoire de la Révolution russe au début du 20ème s., se manifeste clairement dans les autres États la tendance à ne pas reconnaître aux ordres de contrainte créés par ces révolutions le caractère d’ordres juridiques, ni aux actes des gouvernements arrivés au pouvoir par ces révolutions le caractère d’actes de droit – pour la Révolution française parce qu’elle violait le principe de légitimité monarchique, pour la Révolution russe, parce qu’elle abolissait la propriété privée des moyens de production. On vit même des tribunaux des États-Unis d’Amérique se refuser à reconnaître les actes du gouvernement révolutionnaire russe comme des actes de droit, par le motif qu’ils n’étaient pas actes d’un État, mais actes d’une bande de gangsters. Aussitôt cependant que les ordres de contrainte établis par voie révolutionnaire se révélèrent durablement efficaces, ils furent reconnus comme ordres juridiques, les gouvernements des collectivités qu’ils fondaient comme gouvernement d’un État, et leurs actes comme des actes étatiques, c'est-à-dire comme des actes de droit.
H. Kelsen (1881-1973), Théorie pure du droit (1934, 2è éd. 1960), p. 67-68,Trad. Ch. Eisenman, Ed. Dalloz.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire