L'Étranger : Ils interrogent celui qui croit affirmer, lorsqu'en réalité il n'affirme rien. Il est facile pour eux d'examiner par la suite les opinions de ceux qu'ils ont ainsi tant désorientés, puis, une fois les arguments systématisés, de montrer que les mêmes opinions sont contraires en même temps sur les mêmes sujets, sous les mêmes rapports, dans le même sens. Alors, les interlocuteurs, voyant cela, se mettent en colère contre eux-mêmes, et deviennent plus doux face aux autres. Ils se libèrent ainsi des solides et prétentieuses opinions qu'ils avaient d'eux-mêmes, libération qui est très agréable pour celui qui écoute, et fondement solide pour celui qui la subit. En effet, mon jeune ami, ceux qui se purifient de cette manière pensent, comme les médecins, que le corps ne tirera pas profit de la nourriture qu'il reçoit avant de s'être libéré de ce qui l'embarrasse. Et, à propos de l'âme, ils sont du même avis : elle ne pourra pas profiter des connaissances reçues jusqu'à ce qu'on l'ait soumise à la réfutation, et que grâce à cette réfutation, on lui fasse honte d'elle-même et la débarrasse ainsi des opinions qui empêchaient la connaissance. Elle sera ainsi purifiée et ne croira à l'avenir savoir que ce qu'elle sait, et non davantage
Théétète : Voilà la disposition la meilleure et la plus sensée.
L'Étranger : C'est pour cela, Théétète, qu'il faut proclamer que la réfutation est la plus importante et la plus juste des purifications, et qu’il faut dire, en même temps, que celui qui n’est pas réfuté, même s’il est le Grand Roi, restera impur et conservera inculte et enlaidie ce qui devrait être la chose la plus pure et la meilleure pour celui qui aspire au véritable bonheur.
Platon, Le Sophiste, 230b-d, trad. Cordero, GF-Flammarion.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire