L’homme est raisonnable ou bien il a une raison : c’est ainsi que s’exprime pour l’homme de la discussion le contenu de sa certitude. Le langage est tel que la discussion peut aboutir à l’accord. L’homme peut faire confiance au langage, parce que le langage ne mène pas à la contradiction, qu’il est raisonnable. L’homme n’est homme ‑ et non pas animal ‑que dans la mesure où il participe de cette raison. Et il n’y participe plus dans la mesure où il est celui‑ci ou celui‑là, où il cherche à avoir raison avec son désir, mais dans la mesure où il possède la raison, où il exprime ce que chacun peut et doit dire, où il est universel. C’est en tant qu’universel qu’il est individu pensant: individu et indivisible parce qu’élément de la discussion, il joue son rôle seulement comme membre de la communauté de la discussion. Il n’y a pas de différence de raison entre les individus, puisque le sens de la discussion est précisément de faire disparaître la contradiction ; les différences sont de l’ordre des faits, injustifiés et injustifiables; elles n’existent qu’au début de la discussion, pour être éliminées par le travail commun, la réalisation de la raison. Dans son essence, l’individu n’est pas un homme, c’est l’homme.
C’est la discussion qui libère l’homme de sa particularité, qui le mène vers lui‑même, vers la vertu et le Bien : il ne peut pas être lui‑même sans être vertueux. Dès qu’il est raisonnable, il n’est plus rien d’autre que membre de la communauté, que citoyen, c’est‑à‑dire vertueux. Il ne cherche pas l’avantage de la passion, il cherche celui de l’individu raisonnable. »
Éric WEIL, Logique de la philosophie, Vrin, 1967, pp. 134‑135.
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