Faut-il limiter la liberté d’opinion ?
Article 11 : Doit-on tolérer les rites des infidèles ?
Objections : 1. Non. Car il est bien évident que les infidèles qui ont leurs rites pèchent en les observant. Or il semble bien consentir au péché, celui qui ne l’interdit pas alors qu’il le pourrait, comme on le voit dans la Glose sur l’épître aux Romains (1, 32) : " Non seulement ils font, mais encore ils approuvent ceux qui le font. " Ils pèchent donc, ceux qui tolèrent les rites des infidèles.
[…]
Réponse : Le gouvernement humain dérive du gouvernement divin et doit le prendre pour modèle. Or Dieu, bien qu’il soit tout-puissant et souverainement bon, permet néanmoins qu’il se produise des maux dans l’univers, alors qu’il pourrait les empêcher, parce que leur suppression supprimerait de grands biens et entraînerait des maux plus graves. Ainsi donc, dans le gouvernement humain, ceux qui commandent tolèrent à bon droit quelques maux, de peur que quelques biens ne soient empêchés, ou même de peur que des maux pires ne soient encourus. C’est ce que dit S. Augustin : « Supprimez les prostituées et vous apporterez un trouble général par le déchaînement des passions. » Ainsi donc, bien que les infidèles pèchent par leurs rites, ceux-ci peuvent être tolérés soit à cause du bien qui en provient, soit à cause du mal qui est évité. Du fait que les juifs observent leurs rites, qui préfiguraient jadis la réalité de la foi que nous professons, il en découle ce bien que nous recevons de nos ennemis un témoignage en faveur de notre foi, et qu’ils nous représentent comme en figure ce que nous croyons. C’est pourquoi les Juifs sont tolérés avec leurs rites. Quant aux rites des autres infidèles, comme ils n’apportent aucun élément de vérité ni d’utilité. Il n’y a pas de raison que ces rites soient tolérés. Si ce n’est peut-être en vue d’un mal à éviter. Ce qui est à éviter, c’est le scandale ou le dissentiment qui pourrait provenir de cette intolérance, ou encore l’empêchement de salut pour ceux qui, ainsi tolérés, se tournent peu à peu vers la foi. C’est pour cela en effet que l’Église a quelquefois toléré les rites des hérétiques et des païens quand les infidèles étaient très nombreux. Solutions : Cela répond clairement aux Objections.
Thomas d’Aquin, Somme théologique ( 1266-1273 ), II-II, question 10, article 11, trad. A.M. Moguet, Les Éd. Du Cerf, 1985, pp. 85-86.
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