Le milieu de l’animal, que nous voulons justement étudier, est seulement une partie de l’environnement que nous voyons s’étendre autour de l’animal, et cet environnement n’est rien d’autre que notre propre environnement humain. La première tâche de l’exploration du milieu consiste à choisir les signes perceptifs de l’animal parmi les signes perceptifs de son environnement et construire à partir d’eux le milieu de l’animal. Le signe perceptif des raisins secs laisse totalement froide la tique, tandis que le signe perceptif de l’acide butyrique joue dans son milieu un rôle remarquable. Dans le milieu du gourmet, l’accent de la signifiance est mis en revanche, non pas sur l’acide butyrique, mais sur le signe perceptif des raisins.
Comme une araignée fait avec ses fils, chaque sujet file ses relations en propriétés déterminées des choses, et les entretisse en une solide toile qui porte son existence.
De quelque nature que soient les relations entre le sujet et les objets de son environnement, elles se déroulent toujours à l’extérieur du sujet, là même où nous avons à chercher les signes perceptifs. Ces derniers sont en cela toujours liés à l’espace d’une manière ou d’une autre et, comme ils se relayent les uns les autres dans un ordre de succession déterminé, ils sont aussi liés au temps.
Nous nous berçons trop facilement de l’illusion que les relations que le sujet d’un autre milieu entretient avec les choses de son milieu se déroulent seulement dans le même espace et le même temps que les relations qui nous lient aux choses de notre milieu d’humains. Cette illusion est nourrie par la croyance en l’existence d’un monde unique dans lequel sont imbriqués tous les êtres vivants. Il en découle la conviction générale et durable qu’il doit n’y avoir qu’un seul espace et un seul temps pour tous les êtres vivants.
Von Uexküll (1864-1944), Milieu animal et milieu humain, trad. C. Martin-Freville, chap. 1
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