Il est clair pour toi, Lucilius, je le sais, que nul ne peut mener une vie heureuse ou même supportable sans l’étude de la sagesse ; que la première est le fruit d’une sagesse parfaite, la seconde, d’une sagesse seulement ébauchée. Mais cette conviction veut être affermie et enracinée plus avant par une méditation de tous les jours. […]
Avant toute chose vois si c’est dans la science philosophique ou dans la pratique même de la vie que tu as gagné. […]
La philosophie n’est point un art d’éblouir le peuple, une science de parade : ce n’est pas dans les mots, c’est dans les choses qu’elle consiste. Elle n’est point faite pour servir de distraction et tuer le temps, pour ôter au désœuvrement ses dégoûts ; elle forme l’âme, elle la façonne, règle la vie, guide les actions ; montre ce qu’il faut pratiquer ou fuir, siège au gouvernail et dirige à travers les écueils notre course agitée. Sans elle point de sécurité : combien d’incidents, à toute heure, exigent des conseils qu’on ne peut demander qu’à elle !
Sénèque (4 av. J.-C. – 65 ap. J.-C.), Lettres à Lucilius, XVI.
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