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L'équivocité du mot "corps".

Premièrement, je considère ce que c'est que le corps d'un homme, et je trouve que ce mot est fort équivoque; car, quand nous parlons d'un corps en général, nous entendons une partie déterminée de la matière, et ensemble de la quantité dont l'univers est composé, en sorte qu'on ne saurait ôter tant soit peu de cette quantité, que nous ne jugions incontinent que le corps est moindre et qu'il n'est plus entier; ni changer aucune particule de cette matière, que nous ne pensions par après que le corps n'est plus totalement le même ou idem numero.

Mais lorsque nous parlons du corps d'un homme, nous n'entendons pas une partie déterminée de matière, ni qui ait une grandeur déterminée, mais seulement nous entendons toute la matière qui est ensemble unie à l'âme de cet homme; en sorte que, bien que cette matière change, et que sa quantité augmente ou diminue, nous croyons toujours que c'est le même corps idem numero, pendant qu'il demeure joint et uni substantiellement à la même âme; et nous croyons que ce corps est tout entier, pendant qu’il a en soi toutes les dispositions requises pour conserver cette union.

Car il n'y a personne qui ne croie que nous avons les mêmes corps que nous avons eus dès notre enfance, bien que leur quantité soit de beaucoup augmentée, et que, selon l'opinion commune des médecins, et sans doute selon la vérité, il n'y ait plus en eux aucune partie de la matière qui y était alors, et même qu'ils n'aient plus la même figure; en sorte qu'ils ne sont eadem numero [les mêmes, numériquement], qu'à cause qu'ils sont informés de la même âme. Pour moi, qui ai examiné la circulation du sang, et qui crois que la nutrition ne se fait que par une continuelle expulsion des parties de notre corps, qui sont chassées de leur place par d'autres qui y entrent, je ne pense pas qu'il y ait aucune particule de nos membres qui demeure la même numero un seul moment, encore que notre corps, en tant que corps humain, demeure toujours le même numero pendant qu'il est uni avec la même âme. Et même, en ce sens-là, il est indivisible : car, si on coupe un bras ou une jambe à un homme, nous pensons bien que son corps est divisé, en prenant le nom de corps en la 1re signification, mais non pas en le prenant en la 2e ; et nous ne pensons pas que celui qui a un bras ou une jambe coupée, soit moins homme qu'un autre. Enfin, quelque matière que ce soit, et de quelque quantité ou figure qu'elle puisse être, pourvu qu'elle soit unie avec la même âme raisonnable, nous la prenons toujours pour le corps du même homme, et pour le corps tout entier, si elle n'a pas besoin d'être accompagnée d'autre matière pour demeurer jointe à cette âme.

Descartes, Lettre au père Mesland, 9 février 1645.

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